PIERRE OZER

PIERRE OZER

Pour une vraie promotion des véhicules « verts » [Le Soir et La Libre Belgique]

Pour une vraie promotion des véhicules « verts »

 

Texte soumis au journal Le Soir, lundi 14 janvier à 16h05, version ci-dessous, et au journal La Libre Belgique, lundi 14 janvier à 13h02, texte similaire mais avec les résultats de La Libre Belgique. Par ailleurs, l'étude complète a été transmise à Philippe Lamotte (Le Vif) et Michèle Audrit (Trends-Tenbdances) le même jour.

 

PREAMBULE

 

Suite à une étude minutieuse, totalement indépendante et transparente, et publiée dans une revue scientifique internationale tenue par le CNRS (European Journal of Geography), j'ai décidé de proposer aux médias analysés les résultats de mon travail. Cette étude sera soumise sous peu à une revue internationale "peer-reviewed" et présentée (c'est accepté) lors d'un colloque international en France au mois d'avril (avec l'analyse d'autres médias européens). Ce travail a été réalisé avec toute l'indépendance et la rigueur scientifique requise (tout comme l'ont été toutes mes autres études, même et surtout celle relative à Francorchamps) et tente de répondre à une question à laquelle personne n'a su me répondre, en Belgique et ailleurs.

Pour moi, la recherche, c'est ça: se poser une question et y répondre. Et lorsque la question est posée et que personne ne peut y répondre, l'étude peut devenir un "scoop" puisque nous créons de l'information; cette "info" scientifique pouvant être valorisée dans et par la société.

Ceci ne s'appelle probablement pas de la recherche "fondamentale", ni de la recherche "appliquée", mais il est de notre devoir à nous, scientifiques, chercheurs, universitaires et curieux, de faire de la recherche "engagée". J'en appelle à ce que vous tous, qui lisez ce message, preniez part au débat car c'est comme cela que nous pourrons faire avancer la société dans laquelle nous vivons.

Si ce texte devait paraître, ce serait absolument prodigieux puisque les "spécialistes" contactés me donnent une chance sur beaucoup-beaucoup-beaucoup d'être publié puisque le contenu va à l'encontre des ressources financières de la presse.

Soyons francs, j'espère deux choses:

1] que cette étude trouve écho dans la presse, et

2] si c'est le cas, avoir une réaction des rédactions (du style: c'est possible, allons de l'avant OU c'est impossible et voici pourquoi...).

(Ajout du 15 janvier 2008: L'article est paru dans Le Soir)

 

Je remercie Maud Bay, Pierre Courbe, David Leloup, Dominique Perrin et Charlotte Willems pour la relecture du texte et les aménagements apportés.

 

Allez, hop, voici les textes soumis:

 

 

Version publiée par Le Soir du 15 janvier 2008

 

En vertu du Protocole de Kyoto, la Belgique doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 7,5 % par rapport aux émissions de 1990. Si plusieurs secteurs ont fait des efforts considérables pour atteindre cet objectif, il reste un gros point noir : les transports. Dans ce secteur, en Région Wallonne, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 40 % entre 1990 et 2004.

 

Bien conscientes de cet état de fait, toutes les forces vives tentent, non sans mal, de réduire l'impact des transports sur les émissions de gaz à effet de serre.

 

Ainsi, dès 1996, les Etats membres de l'Union européenne (UE) et le Parlement européen approuvent une « stratégie communautaire » ambitieuse : en 2005 (2010 au grand plus tard), la moyenne des émissions de CO2 des véhicules neufs mis sur le marché dans l'UE ne pourra excéder 120 g par km. Mais voilà, cet objectif a été affaibli à plusieurs reprises.

En 1998, l'Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA) négocie ferme avec la Commission, laquelle lui fera deux grandes concessions. Primo, l'objectif de 120 g CO2/km sera reporté de deux ans, à 2012, avec un objectif intermédiaire de 140 g CO2/km pour 2008. Secundo, l'accord entre les deux parties sera « volontaire » : pas de sanctions, donc, en cas de non respect… On sait aujourd'hui que l'objectif intermédiaire de 2008 ne sera pas atteint. Sensible aux arguments économiques du lobby allemand de la voiture, le Parlement propose désormais un objectif une nouvelle fois affaibli de 125 g CO2/km en 2015.

 

Voici une des mesures politiques concrètes existantes qui va permettre, peut-être, d'infléchir les tendances actuelles du secteur des transports. Peut-être… car force est de constater que le parc automobile est en constante augmentation (+23% entre 1993 et 2007) et que les distances moyennes parcourues par véhicule se sont légèrement accrues ces quinze dernières années.

 

Et puis, prise de conscience par la population des enjeux environnementaux oblige, les constructeurs développent toute une panoplie de véhicules « verts », avec des technologies « Blue Motion », « BioPower » et « bonnes pour la planète » pour pouvoir se frayer un passage dans la « jungle urbaine ». Bien entendu, pour promouvoir leurs solutions qui vont sauvegarder notre civilisation, ils doivent passer par les médias.

 

Pour s'assurer que les constructeurs disent vrai, nous avons dépouillé l'intégrale des 14 424 pages du journal Le Soir parues en 2006 (hors suppléments). Armé d'une bonne loupe, nous avons répertorié toutes les publicités pour les automobiles et leurs émissions de CO2 respectives. Cet exercice a été également réalisé, à titre comparatif, pour La Libre Belgique, Trends-Tendances et Le Vif/L'Express.

 

Les résultats obtenus pour Le Soir sont éloquents. En effet, il apparaît que la publicité pour les automobiles est apparue à 433 reprises pour un total de 218 pages, soit 1,5% du quotidien. Notons que la présence de la publicité automobile varie entre 0,8% et 4,4% dans les autres médias analysés.

La moyenne des émissions de CO2 des automobiles vantées par les publicités est de 188 g/km. Il est tout de même curieux de constater que cette valeur correspond peu ou prou aux émissions de CO2 des voitures neuves vendues en Belgique en… 1995, bien avant qu'une « conscience écologique » ne soit réellement palpable dans la société. Moins d'une publicité sur cinq a fait la promotion de véhicules moins polluants que ceux réellement vendus en 2006 (dont la moyenne des émissions de CO2 était de 154 g/km).

 

Plusieurs similitudes existent entre ces quatre médias de la presse écrite. Le premier point commun est l'absence totale de publicité pour des véhicules dont les émissions sont inférieures à 115 g CO2/km (donnant par ailleurs droit à une réduction d'impôt de 3% à 15%, ce qui eût pu en faire un vrai argument publicitaire).

Ensuite, par rapport à l'objectif volontaire décidé en 1998 par les constructeurs (140 g CO2/km en 2008), les résultats sont éclairants sur leur « volonté » de promouvoir les véhicules peu émetteurs de CO2. En effet, leur présence publicitaire ne représente que 3,8% de l'ensemble des publicités automobiles publiées dans Le Soir en 2006 et varie entre 1,5% dans Trends-Tendances et 8,3% dans Le Vif-L'Express. A l'opposé, la proportion des véhicules « très polluants » (>220 g CO2/km) est de 16,1% dans Le Soir et varie entre 15,3% dans La Libre Belgique et 40,2% dans Trends-Tendances.

Finalement, par rapport aux émissions moyennes de CO2 par les voitures neuves vendues en Belgique en 2006 (soit 154 g CO2/km), la publicité vantant des véhicules plus polluants est très largement majoritaire, variant de 80,2% à 98,5% de l'espace publicitaire automobile total.

 

Dans l'effort d'information et de conscientisation des citoyens par rapport à la question du réchauffement climatique, les médias jouent un rôle de premier plan. En 2007, Le Soir a fait paraître l'enjeu climatique à de multiples reprises en première page. Mais force est de constater qu'il y a une totale contradiction entre les « bonnes pratiques » proposées dans la presse écrite et le pouvoir extraordinaire des annonceurs publicitaires qui tendent à anéantir les efforts rédactionnels. Nous ne sommes pas convaincu qu'il faille interdire la publicité pour les automobiles, mais plutôt la cadrer. A quand une concertation entre les rédactions, leurs actionnaires, les annonceurs et les constructeurs pour que les publicités soient plus en adéquation avec la réalité dans laquelle nous vivons ? Et, pourquoi pas, un accord sur un seuil d'émissions de CO2/km au-delà duquel les publicités ne seraient plus acceptées ? Et aussi, soyons fous, une standardisation de la taille des caractères indiquant de manière lisible les émissions de CO2 des véhicules, pour que la loupe se soit plus nécessaire...

 

 

L'intégralité de l'étude est disponible ici :

Pierre Ozer, « Présence de la publicité automobile dans la presse écrite belge : Analyse des quotidiens La Libre Belgique et Le Soir et des hebdomadaires Trends-Tendances et Le Vif-L’Express », Cybergeo, L'automobile et les émissions de CO2, mis en ligne le 02 juin 2008, modifié le 02 juin 2008. URL : http://www.cybergeo.eu/index18862.html.

 

 

Version soumise à La Libre Belgique

 

En vertu du Protocole de Kyoto, la Belgique doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 7,5 % par rapport aux émissions de 1990. Si plusieurs secteurs ont fait des efforts considérables pour atteindre cet objectif, il reste un gros point noir : les transports. Dans ce secteur, en Région Wallonne, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 40 % entre 1990 et 2004.

 

Bien conscientes de cet état de fait, toutes les forces vives tentent, non sans mal, de réduire l'impact des transports sur les émissions de gaz à effet de serre.

 

Ainsi, dès 1996, les Etats membres de l'Union européenne (UE) et le Parlement européen approuvent une « stratégie communautaire » ambitieuse : en 2005 (2010 au grand plus tard), la moyenne des émissions de CO2 des véhicules neufs mis sur le marché dans l'UE ne pourra excéder 120 g par km. Mais voilà, cet objectif a été affaibli à plusieurs reprises.

En 1998, l'Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA) négocie ferme avec la Commission, laquelle lui fera deux grandes concessions. Primo, l'objectif de 120 g CO2/km sera reporté de deux ans, à 2012, avec un objectif intermédiaire de 140 g CO2/km pour 2008. Secundo, l'accord entre les deux parties sera « volontaire » : pas de sanctions, donc, en cas de non respect… On sait aujourd'hui que l'objectif intermédiaire de 2008 ne sera pas atteint. Sensible aux arguments économiques du lobby allemand de la voiture, le Parlement propose désormais un objectif une nouvelle fois affaibli de 125 g CO2/km en 2015.

 

Voici une des mesures politiques concrètes existantes qui va permettre, peut-être, d'infléchir les tendances actuelles du secteur des transports. Peut-être… car force est de constater que le parc automobile est en constante augmentation (+23% entre 1993 et 2007) et que les distances moyennes parcourues par véhicule se sont légèrement accrues ces quinze dernières années.

 

Et puis, prise de conscience par la population des enjeux environnementaux oblige, les constructeurs développent toute une panoplie de véhicules « verts », avec des technologies « Blue Motion », « BioPower » et « bonnes pour la planète » pour pouvoir se frayer un passage dans la « jungle urbaine ». Bien entendu, pour promouvoir leurs solutions qui vont sauvegarder notre civilisation, ils doivent passer par les médias.

 

Pour s'assurer que les constructeurs disent vrai, nous avons dépouillé l'intégrale des 15 306 pages de La Libre Belgique parues en 2006 (hors suppléments). Armé d'une bonne loupe, nous avons répertorié toutes les publicités pour les automobiles et leurs émissions de CO2 respectives. Cet exercice a été également réalisé, à titre comparatif, pour Le Soir, Trends-Tendances et Le Vif/L'Express.

 

Les résultats obtenus pour La Libre sont éloquents. En effet, il apparaît que la publicité pour les automobiles est apparue à 207 reprises pour un total de 129 pages, soit 0,8% du quotidien. Notons que la présence de la publicité automobile est beaucoup plus forte dans les autres médias analysés où elle varie entre 1,5% et 4,4%.

La moyenne des émissions de CO2 des automobiles vantées par les publicités est de 187 g/km. Il est tout de même curieux de constater que cette valeur correspond peu ou prou aux émissions de CO2 des voitures neuves vendues en Belgique en… 1995, bien avant qu'une « conscience écologique » ne soit réellement palpable dans la société. Moins d'une publicité sur cinq a fait la promotion de véhicules moins polluants que ceux réellement vendus en 2006 (dont la moyenne des émissions de CO2 était de 154 g/km).

 

Plusieurs similitudes existent entre ces quatre médias de la presse écrite. Le premier point commun est l'absence totale de publicité pour des véhicules dont les émissions sont inférieures à 115 g CO2/km (donnant par ailleurs droit à une réduction d'impôt de 3% à 15%, ce qui eût pu en faire un vrai argument publicitaire).

Ensuite, par rapport à l'objectif volontaire décidé en 1998 par les constructeurs (140 g CO2/km en 2008), les résultats sont éclairants sur leur « volonté » de promouvoir les véhicules peu émetteurs de CO2. En effet, leur présence publicitaire ne représente que 2,5% de l'ensemble des publicités automobiles publiées dans La Libre en 2006 et varie entre 1,5% dans Trends-Tendances et 8,3% dans Le Vif-L'Express. A l'opposé, la proportion des véhicules « très polluants » (>220 g CO2/km) varie entre 15,3% dans La Libre Belgique et 40,2% dans Trends-Tendances.

Finalement, par rapport aux émissions moyennes de CO2 par les voitures neuves vendues en Belgique en 2006 (soit 154 g CO2/km), la publicité vantant des véhicules plus polluants est très largement majoritaire, variant de 80,2% à 98,5% de l'espace publicitaire automobile total.

 

Dans l'effort d'information et de conscientisation des citoyens par rapport à la question du réchauffement climatique, les médias jouent un rôle de premier plan. En 2007, La Libre Belgique a fait paraître l'enjeu climatique près de 25 fois en première page. Mais force est de constater qu'il y a une totale contradiction entre les « bonnes pratiques » proposées dans la presse écrite et le pouvoir extraordinaire des annonceurs publicitaires qui tendent à anéantir les efforts rédactionnels. Nous ne sommes pas convaincu qu'il faille interdire la publicité pour les automobiles, mais plutôt la cadrer. A quand une concertation entre les rédactions, leurs actionnaires, les annonceurs et les constructeurs pour que les publicités soient plus en adéquation avec la réalité dans laquelle nous vivons ? Et, pourquoi pas, un accord sur un seuil d'émissions de CO2/km au-delà duquel les publicités ne seraient plus acceptées ? Et aussi, soyons fous, une standardisation de la taille des caractères indiquant de manière lisible les émissions de CO2 des véhicules, pour que la loupe se soit plus nécessaire...

 

 

L'intégralité de l'étude est disponible ici :

Pierre Ozer, « Présence de la publicité automobile dans la presse écrite belge : Analyse des quotidiens La Libre Belgique et Le Soir et des hebdomadaires Trends-Tendances et Le Vif-L’Express », Cybergeo, L'automobile et les émissions de CO2, mis en ligne le 02 juin 2008, modifié le 02 juin 2008. URL : http://www.cybergeo.eu/index18862.html.

 

 

 

 

 

Tableau :

Emissions de CO2 relatives à l'objectif des constructeurs pour 2008, à la moyenne des véhicules neufs vendus en 2006, et à la moyenne des véhicules vantés en 2006 dans divers médias. Ecart entre la publicité et l'objectif des constructeurs pour 2008 et la moyenne des véhicules neufs vendus en 2006. Pourcentage de la publicité selon différentes « limites » définies au chapitre II.3. Pour l'étude complète, et lisible, cliquez ici.

 

 

Figure : Comparaison, selon six classes, des émissions de CO2 des véhicules neufs mis en circulation en Belgique en 2006 et des véhicules vantés dans les publicités en 2006. Pour l'étude complète, et lisible,  cliquez ici.

 



14/01/2008
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