PIERRE OZER

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La désertification : une menace sérieuse pour le Bénin septentrional [Le Point au Quotidien]

La désertification est considérée comme l'une des problématiques environnementales les plus préoccupantes du XXIe siècle. Par désertification, on entend la dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides et sub-humides sèches par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines. Cette dégradation environnementale affecte directement un milliard d'hectares et menace près de 35 % des terres de la planète ainsi que les moyens de subsistance de deux milliards d'individus. Les estimations des pertes financières mondiales dues à la désertification sont colossales, de l'ordre de 40 milliards d'euros par an, soit 10 fois le produit intérieur brut (PIB) du Bénin ! Ces chiffres parlent d'eux-mêmes et traduisent à quel point la dégradation des terres arides est une entrave au développement des pays les plus pauvres. Suite au Sommet de la Terre de Rio en 1992, la communauté internationale s'est dotée d'un instrument juridique pouvant apporter une réponse globale forte à cette problématique. C'est ainsi que, en 1994, la Convention des Nations unies de lutte contre la désertification (CNULD) a vu le jour. Cependant, la lutte contre la désertification souffre cruellement d'un manque d'intérêt, tant des médias que du politique des pays du Nord en particulier à cause, entre autres, du caractère lent et sournois du processus. C'est pour cela que, malgré les défis que représente la lutte contre la désertification, la CNULD ne bénéficie que d'un budget de base de 7,1 millions d'euros par an, soit approximativement 4,6 milliards de francs CFA. Ce montant peut sembler très élevé mais dans les faits représente bien moins de 0,2% du PIB du Bénin, alors que nous parlons bien ici d'une problématique mondiale.

L'année 2006 a été déclarée « Année internationale des déserts et de la désertification » par les Nations unies. C'est l'occasion de braquer les projecteurs sur ce cancer environnemental qui ronge le Nord du Bénin mais qui est loin d'être une fatalité.

Dans certaines zones des pays du situés au nord du Bénin, comme le Niger, la diminution voire la disparition totale du couvert végétal favorise une augmentation importante de l'érosion éolienne. Cela se traduit par un appauvrissement ininterrompu des sols ou par des routes, oasis et aux infrastructures nécessaires au développement qui se trouvent coupées ou envahies par des dunes en mouvement.

Dans le Bénin septentrional, la désertification prend une autre forme, mais ses conséquences sont similaires. Les formations forestières reculent irrémédiablement suite à l'extension continue des surfaces agricoles. Ceci provoque une accélération du phénomène d'érosion hydrique (ravinements) qui engendre un surenclavement de zones déjà difficiles d'accès et compromet de la sorte la sécurité alimentaire sans cesse fragilisée. Dans des cas extrêmes, on ne trouve plus actuellement que des affleurements rocheux là où, il y a trente ans, les terres étaient encore densément boisées. Il y a là irréversibilité du processus de dégradation.

Cette dégradation environnementale, due à une croissance explosive de la population et à des conditions climatiques de plus en plus défavorables, ne fait qu'augmenter la vulnérabilité face à l'insécurité alimentaire comme au Niger où plus de trois millions de personnes ont été menacées par la famine en 2005. Cependant, les archives du Programme des Nations Unies pour le Développement rappellent que le Bénin n'est pas à l'abri d'une telle menace comme ce fut le cas en 1984.

Près de 92% de la population béninoise dépend intégralement du bois ou du charbon de bois pour la cuisson de ses aliments. Il est temps de se rendre compte que quand des communautés entières n'ont d'autre choix que d'utiliser puis de surexploiter leurs ressources naturelles pour assurer leur survie, comme c'est clairement le cas dans le Bénin septentrional, la gestion durable des sols et de l'environnement ne constitue plus une priorité. Il arrive donc forcément un moment où, faute de terres arables en suffisance pour s'assurer d'une récolte ou pour élever leur bétail, beaucoup doivent se résoudre à migrer. Cet exil forcé s'oriente vers des zones plus fertiles. Et il n'est pas improbable qu'un exode important de populations allochtones, comme les nigériens ou les burkinabés, s'oriente vers le territoire béninois où les conditions de (sur)vie sont moins difficiles. Ceci provoquera sans nul doute des tensions entre migrants et autochtones. D'ailleurs, ce processus est déjà localement amorcé.

Mais, abstraction faite de la problématique inéluctable de migration des populations rurales d'origine étrangère vers le Bénin, le seul problème de la croissance démographique béninoise est préoccupant. En effet, si la population du pays est actuellement de l'ordre de 8 millions d'habitants, celle-ci devrait approcher les 15 millions dans une vingtaine d'années, soit un quasi doublement.

Par ailleurs, progressivement, les migrations dues à la désertification ne se limitent plus au continent africain. Le triste exemple de ces immigrants tentant à tout prix de franchir, au péril de leur vie, les clôtures surmontées de fils barbelés protégeant les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla au Maroc en est la preuve, sans compter tous les désespérés qui, chaque jour, tentent la traversée de la Méditerranée. Et que dire de ces 500 000 sub-sahariens actuellement massés sur les côtes de la Mauritanie dans l'espoir de pouvoir atteindre les îles Canaries… Et ce n'est qu'un début car, selon les Nations unies, près de soixante millions de personnes quitteront les zones arides sub-sahariennes affectées par la désertification pour l'Afrique du Nord et l'Europe d'ici à 2020. Et à cette nouvelle étape de l'extension de la désertification, l'Europe n'est pas préparée... Mais le Bénin n'y est pas préparé non plus car en plus de la fuite des cerveaux, le pays pourrait subir la fuite de personnes ayant acquis un savoir-faire utile dans les zones rurales.

Il est temps que le Bénin, en partenariat avec les pays de la sous région et avec la communauté internationale,  prenne le problème de la désertification au sérieux et s'y attelle avant que la situation devienne ingérable…

 

Yvon-Carmen HOUNTONDJI  & Pierre OZER, 2006. La désertification : une menace sérieuse pour le Bénin septentrional. Le Point au Quotidien (Bénin), 14 avril 2006.

Yvon-Carmen HOUNTONDJI  & Pierre OZER, 2006. La désertification : une menace sérieuse pour le Bénin septentrional. Presse du Jour (Bénin), 13 avril 2006.

 

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20/06/2006
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